« L’atelier de Michel Larionov et Nathalie Gontcharova était au cœur de Saint-Germain-des-Prés, à Paris. Lorsque nous y entrâmes, Françoise Mayer et moi, nous fûmes plongés dans une sorte d’irréalité. Les meubles, des tas de choses sur le sol, ce qui apparut comme un piano à queue… tout était recouvert d’une épaisse croûte noire. En taillant d’un coup de couteau cette sédimentation, le directeur de la photo me montra qu’elle était noire au-dessus, blanche en dessous et qu’elle avait dix centimètres d’épaisseur ; il estima que pour fabriquer cette matière trente ans au moins d’accumulation de détritus et de poussière avaient été nécessaires. Mais, alors que nous prenions congé, Gontcharova m’appela derrière le tableau qu’elle s’était remise à peindre et me dit doucement : “À Moscou, en 1904, lorsque j’entrais au… [Elle me cita, en russe, le café des artistes et des passionnés d’art], tout le monde se levait et m’applaudissait.” Larionov et Gontcharova étaient nés à un jour près, lui le 3, elle le 4 juin 1881. Elle est morte en 1962. Lui s’est remarié et est décédé en 1964. »
Jean Antoine